L’État de droit est le nouvel or de l’Afrique :Akinwumi Adesina appelle à des réformes juridiques et à une gouvernance audacieuse pour libérer la prospérité
« Lorsque l’Afrique défendra l’État de droit, le monde sera à ses côtés », a affirmé le président du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, devant plus de 1 200 avocats, juges et responsables gouvernementaux réunis à l’occasion de la Conférence annuelle 2025 de la Société du barreau du Kenya. L’événement, qui s’est achevé le vendredi 15 août à Diani, près de Mombasa, a constitué un forum d’échanges de haut niveau autour des questions de gouvernance, de finances publiques et de justice.

Justice et gouvernance, piliers de la croissance durable
Dans son allocution de clôture intitulée « Finances publiques, gouvernance, justice et développement », M. Adesina a rappelé que la véritable richesse de l’Afrique ne réside pas uniquement dans ses ressources naturelles, mais dans la capacité de ses nations à les gérer de manière transparente, à garantir l’équité des contrats et à assurer la justice pour tous.
Alors que le continent enregistre un déficit annuel de 100 milliards de dollars d’investissements directs étrangers, fragilisé par un endettement croissant et la prédation des fonds vautours, le président de la BAD a insisté sur l’importance de l’État de droit pour inverser la tendance. « Les flux de capitaux se dirigent naturellement vers les pays qui allient stabilité politique, démocratie, transparence et faibles niveaux de corruption », a-t-il souligné.
Transformer les défis en opportunités
Parmi les fondements d’un État de droit solide, M. Adesina a énuméré une justice indépendante et transparente, des cadres réglementaires robustes, la responsabilité publique, un service administratif efficace, une concurrence loyale ainsi que la protection de la propriété intellectuelle.
Pour lui, la justice doit être universellement accessible, grâce notamment à l’aide juridique, à la digitalisation des tribunaux et à des mécanismes de recours rapprochant le droit des citoyens. « La justice n’est pas un produit dérivé du développement, elle en est le fondement », a-t-il martelé.
Il a exhorté les États africains à :
- garantir l’indépendance et la transparence judiciaires pour attirer les capitaux mondiaux ;
- réformer les lois sur les ressources naturelles afin que leurs bénéfices profitent aux populations plutôt qu’aux élites ;
- créer des fonds souverains pour préserver la prospérité des générations futures ;
- développer des mécanismes africains d’arbitrage pour régler équitablement les différends sur le continent.
Les juristes, gardiens de la promesse africaine
S’adressant aux avocats, juges et arbitres, Akinwumi Adesina les a appelés à devenir des « gardiens de la promesse et intendants de la destinée », en veillant à l’application des garanties constitutionnelles et en défendant l’éthique, les principes de gouvernance environnementale, sociale et institutionnelle (ESG).
La conférence, qui a duré trois jours, a réuni de hautes personnalités, dont la juge en chef du Kenya, Martha Koome, la présidente de la Société du barreau du Kenya, Faith Odhiambo, le gouverneur du comté de Mombasa, Abdulswamad Nassir, ainsi que le directeur général de la BAD pour l’Afrique de l’Est, Alex Mubiru.
Des résultats concrets sur le continent
Le président de la BAD a illustré l’impact des réformes déjà en œuvre avec l’appui de l’institution :
- au Rwanda et en Côte d’Ivoire, la création de tribunaux commerciaux spécialisés a permis de réduire de moitié les délais de règlement des litiges, libérant plus d’un milliard de dollars d’investissements ;
- aux Seychelles, une réforme constitutionnelle exige désormais l’approbation parlementaire pour tout emprunt souverain, ramenant le ratio dette/PIB de plus de 100 % à moins de 55 % ;
- au Kenya, la transparence des marchés publics et la surveillance parlementaire des emprunts contribuent à protéger les fonds publics.
« Faire du développement une réalité quotidienne »
Connu comme « l’optimiste en chef de l’Afrique », M. Adesina a conclu en appelant la communauté juridique africaine à prendre conscience de son rôle déterminant dans la transformation du continent.
« Faisons un choix que l’histoire retiendra », a-t-il lancé. « En tant qu’avocats, juges et gardiens de la loi, défendez l’État de droit et rendez la justice avec équité et droiture ».
Ing Ilyame OURO-LOWAN