EDITORIAL :La liberté de la presse repose aussi sur la liberté des angles

Depuis quelques jours, certains organisateurs de la marche du 30 août accusent des journalistes togolais d’avoir “travesti la réalité” en titrant sur “l’échec de la manifestation”. Mais où est le travestissement ? La liberté de la presse, faut-il le rappeler, repose aussi sur la liberté des angles.

Une indifférence difficile à assumer

Oui, ce jour-là, un dispositif sécuritaire était visible, sans doute par souci de précaution. Mais la réalité, plus large et incontestable, est que la population n’a pas répondu à l’appel à marcher. Ni Lomé, la capitale, ni les villes de l’intérieur n’ont été paralysées par des foules. Les rues sont restées globalement indifférentes. Et cette indifférence, les organisateurs peinent aujourd’hui à l’assumer. Plutôt que d’en tirer les enseignements, ils préfèrent mettre en cause la presse.

Les faits avant tout

Un simple blocage ne peut justifier l’absence de mobilisation. Si la foule avait été massive, aucun barrage n’aurait pu l’occulter. Les faits sont têtus : la population n’a pas suivi. La presse, en le constatant, n’a fait que son travail. Car un journaliste n’est pas un greffier de communiqués militants. Décrire une faible mobilisation est un choix éditorial aussi légitime que de mettre en avant le dispositif sécuritaire. Les deux existent, les deux sont vrais. Et c’est cette pluralité d’approches qui nourrit un paysage médiatique équilibré.

La leçon des “Gilets jaunes”

L’exemple français des “Gilets jaunes” est révélateur : certains médias insistaient sur la colère populaire, d’autres sur les violences, d’autres encore sur l’essoufflement du mouvement. Aucun n’a travesti la réalité. Chacun a choisi un angle. C’est cela, la liberté de la presse.

La vraie crise n’est pas médiatique

Accuser les journalistes de “faute professionnelle” parce qu’ils n’ont pas épousé une lecture militante des faits, c’est méconnaître leur métier. Ce n’est pas la presse qui est en crise, mais sans doute la stratégie de mobilisation. Car au lieu d’interroger les raisons de l’indifférence des Togolais, certains préfèrent s’en prendre à “l’homme de la plume”.

La vérité est claire : l’échec n’était pas seulement devant les caméras. Il était dans les rues. Et ce n’est pas l’écriture des journalistes qui a fabriqué cette indifférence, mais la réalité elle-même.

Adam ADJRONOU

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