Révision constitutionnelle au Togo /’’ Cette deuxième étude du texte montre l’esprit d’ouverture et de dialogue du président Faure Gnassingbé’’. Gilbert Bawara,
Le 29 mars 2024 à l’initiative de certains journalistes, les spécialistes du droit constitutionnel, des hommes politiques et des acteurs de la société civile(OSC) ont eu un regard croisé sur la nouvelle constitution votée par l’assemblée nationale faisant passer le Togo d’un régime semi-présidentiel à un régime parlementaire. Un débat riche et historique qui a permis d’éclairer davantage la religion de l’opinion nationale et internationale sur la révision constitutionnelle.
Sans nul doute que cette nouvelle constitution votée par les députés continue à faire polémique. Plusieurs partis d’opposition et organisations de la société civile dénoncent un « coup de force » de l’État et appellent à un référendum. Le président Faure Gnassingbè a alors demandé qu’avant son éventuelle promulgation, le texte fasse l’objet d’une seconde lecture à l’Assemblée nationale.

Lors d’une sortie sur France 24,le ministre Gilbert Bawara a estimé Qu’il y ait un certain nombre de questions qui soient posées et compte tenu de l’importance de cette réforme, il est légitime que le président puisse s’assurer de la clarification et la clarté des précisions qui méritent d’être apportées. Cela notamment quant à l’articulation des différents pouvoirs. L’exécutif est dirigé par un président de la République qui a des responsabilités symboliques et honorifiques, élu par le Congrès – donc par l’Assemblée nationale et le Sénat. Et le président du Conseil qui est l’émanation de la majorité à l’Assemblée nationale. Je n’ose pas imaginer que certains de nos adversaires politiques supposent qu’en allant prochainement aux élections législatives, le parti actuellement majoritaire à l’Assemblée nationale, à savoir Unir, aura nécessairement la majorité. Nous allons avoir une compétition électorale libre, crédible. Il appartiendra aux Togolais de décider quelle majorité ils souhaitent voir à l’Assemblée nationale. Et donc les principes démocratiques sont respectés à la matière.
, «les principes démocratiques sont respectés» avec la réforme constitutionnelle car «appartiendra aux Togolais de décider quelle majorité ils souhaitent voir à l’Assemblée nationale»
Regard croisé des experts, des politiques et de la société civile sur la nouvelle constitution le 29 mars 2024
A la table des débats étaient présents, Messieurs Pascal Bodjona, TRIMUA, KOKOROKO, KPODAR, HOUNAKE, TCHALIM, DOSSEH et KAGBARA..
Au rang des discussions, nous avons pu retenir que:
1- La principale différence entre la modification et la révision de la Constitution réside dans leur portée.
La modification de la Constitution implique généralement des changements mineurs ou spécifiques à certains articles ou clauses tandis que la révision de la Constitution implique des changements plus substantiels et globaux dans la structure ou les principes fondamentaux de la Constitution.
Il s’ensuit que la Constitution n’a pas été modifiée mais révisée pour s’adapter aux évolutions et préoccupations.
2- Le mandat des députés n’est pas arrivé à son terme le 31 décembre 2023. C’est plutôt le 7 janvier 2024 puisque la cession de droit a eu lieu le mardi 8 janvier 2019 conformément aux dispositions de l’article 52 alinéa 2 de la Constitution.
3- La légitimité des députés est réglée à l’article 146 de la Constitution qui dispose que la source de toute légitimité découle de la présente Constitution d’une part et à l’article 52 alinéa 11 qui pose in fine le principe de continuité d’une institution d’autre part. Pour preuve, c’est le même parlement, la même assemblée nationale qui a modifié et adopté en janvier dernier la loi organique portant nombre de sièges à pourvoir à l’Assemblée nationale. Alors même étant étant naïf, l’on peut se poser la question de savoir pourquoi l’opposition n’a pas critiqué l’initiative si véritablement le parlement actuel est illégitime?
4- Le gouvernement ou encore moins le régime en place n’est pas initiateur de la révision constitutionnelle.
La constitution a clairement prévu en son article 83 que l’initiative des lois appartient concurremment aux députés et au gouvernement. En l’espèce la proposition de loi en cause est d’initiative du parlement donc des députés.
5- La Constitution n’a pas prévu une procédure tendant à son changement par une autre. Néanmoins, dans la pratique, certaines révisions constitutionnelles peuvent conduire à son changement. Le cas d’espèce est une illustration parfaite.
6- Le régime parlementaire existe depuis au Togo mais à certains niveaux donnés. Par exemple, l’élection d’un Maire se fait à l’interne d’une commune uniquement par les conseillers municipaux. Ainsi, avec l’élection municipale le peuple n’a pas élu directement les Maires. L’élection des maires au niveau de chaque commune a été faite à l’interne de chaque commune : C’est aussi une forme du régime parlementaire car saurait été le contraire, il revenait au peuple de désigner directement le Maire de chaque commune.
7- L’histoire bien qu’étant têtue, est un récit des faits digne de mémoire. En effet, le régime parlementaire existait déjà au Togo à la sortie de la Conférence souveraine. Pour preuve, le gouvernement de transition dirigé par Monsieur Joseph Koffigoh en dit long. Même étant très jeune, l’histoire nous a enseigné que l’opposition a déjà eu la majorité parlementaire mais n’étant jamais d’accord sur l’intérêt national, elle n’est jamais rentrée dans l’histoire en acceptant un consensus entre elle même. Elle n’a pas fait que boycotter une élection mais plusieurs laissant le RPT d’alors seul à l’assemblée nationale. Aux législatives de 2019, le même scénario était au rendez-vous.
En outre, il est important de préciser que l’opposition a toujours revendiqué le retour à la constitution de 1992 dans sa version originale. Celle-ci revêtait typiquement le régime parlementaire.
8- Le régime parlementaire est un régime de cohabitation, d’interdépendance, de contrôle mais de consensus impliquant ipso facto toute la classe politique dans la gestion de la chose publique. L’on peut se réjouir de ce régime dès lors que pour devenir président de la République, il suffit juste d’avoir une majorité parlementaire à l’assemblée nationale ou faire une coalition alors que le régime semi présidentiel en est une autre.
Aussi, avec le régime parlementaire, le gouvernement doit son pouvoir au parlement. A partir de là on aura plus de ministre tout puissant en face d’un député. Tout député peut directement inviter le ministre devant le parlement pour être écouté.
9- Économiquement, passer du régime semi présidentiel au régime parlementaire revêt un intérêt crucial. En effet, le régime parlementaire vient supprimer l’organisation de l’élection présidentielle. Conséquence, il n’est plus question de dépenser des milliards pour organiser une élection uniquement pour élire une seule personne. Aussi, bientôt les élections législatives et régionales. Ces élections coûtent cher au Togo. Juste après ça, l’élection présidentielle se pointe à l’horizon. Il s’avère important en tout cas dans le souci de faire économie des dépenses, de voir l’organisation de l’élection présidentielle supprimer.
10- La Haute Autorité de Prévention et Lutte Contre la Corruption et les Infractions Assimilées devient une Institution de la République.
Des appels à soumettre la réforme constitutionnelle au référendum
L’Assemblée nationale doit entamer une deuxième lecture de la réforme constitutionnelle, à la demande du président Faure Gnassingbé, pour entamer le passage d’un régime semi-présidentiel à un régime parlementaire, où le pouvoir exécutif appartient principalement au président du Conseil des ministres. Mais cette réforme fait l’objet de critiques et suggestions, que ce soit par sa façon d’adoption ou par son contenu.
Le Forum de la société civile de l’Afrique de l’ouest (Foscao), critique vivement la réforme constitutionnelle au Togo, soumise à une deuxième lecture. Ce forum, qui réunit un millier d’organisations parmi les quinze pays membres de la Cédéao, pointe autant la façon dont le texte a été adopté en première lecture que son contenu, affirme Komlan Messié, le directeur exécutif du Foscao.
Cette proposition de modification constitutionnelle n’est pas inclusive parce que les députés qui sont là ont voté, mais, notamment, la population ne semble pas avoir été consultée. On n’a pas vu d’éducation de la population pour que les gens soient au courant de ce qui est dans cette constitution, constitution qui entraîne l’avis de tout le peuple. La démocratie implique l’inclusivité. Cette fois-ci, les citoyens n’ont pas été mis dans le coup. Nous pensons, honnêtement, que les députés se lancent dans, probablement, une certaine crise et donc les organisations comme la Cédéao doivent se mêler de cela. Que les députés du Togo regardent le bel exemple du Sénégal, à côté. Le Sénégal est un pays frère du Togo. Nous invitons les députés à revoir leur copie et à repenser réellement le pourquoi de ce projet de modification de constitution et le Sénégal, pour avoir tenu des élections présidentielles, est un bon exemple dans ce sens.
Selon le député Gerry Komandega Taama, président du parti Nouvel engagement togolais, ce nouveau texte devrait être soumis à référendum. Également membre de la commission des lois, il indique qu’il est possible que le nouveau texte soit adopté et promulgué avant les élections législatives du 20 avril, même si le calendrier de cette deuxième lecture n’est pas encore connu.
Il est évident que le vote de cette loi a suscité dans l’opinion un certain nombre d’observations, que ce soit au niveau des acteurs politiques, au niveau de la Conférence des évêques du Togo… Par exemple, notre observation principale, c’est que, si nous devions aller vers une Vème République, cela se fasse par référendum. Mon avis personnel, c’est qu’on aurait pu mieux faire, mettre plus de temps… Il faut faire des consultations en vue d’aboutir à un texte plus consensuel. Je pense que le chef de l’État a pris en compte les avis des uns et des autres et a demandé une relecture, cela fait partie de ses prérogatives. Ceux qui ont introduit le texte vont apporter des amendements et ces amendements seront étudiés en commission plénière. Oui, on peut adopter le texte et le promulguer avant le 20 avril. Si la loi est promulguée avant les élections législatives, bien entendu qu’il faut s’attendre à avoir désormais un président de la République sans pouvoir véritable et un président du conseil des ministres avec les pleins pouvoirs. Ce qui pourrait intervenir si le texte est promulgué avant le début de la prochaine législature.