Permis de conduire à Kara : L’urgence d’assainir un système gangrené par le favoritisme
(MEDIATOPNEWS)– Obtenir un permis de conduire au Togo, notamment à Kara, semble désormais être à la portée de tous, grâce à des pratiques de corruption et de favoritisme bien ancrées. Moniteurs d’Auto-écoles, démarcheurs, examinateurs et candidats se retrouvent pris dans une spirale où le mérite est éclipsé par l’argent. Cette situation compromet les efforts des autorités visant à réguler ce secteur pour le bien-être des usagers de la route.

Un sésame convoité à tout prix
L’obtention d’un permis de conduire au Togo repose sur un processus rigoureux débutant par une inscription dans une auto-école agréée. Après une formation théorique et pratique, le candidat est présenté à un examen national organisé par deux jurys : l’un pour le Grand Lomé, l’autre pour le Grand Nord, englobant Kara. L’examen, mené en deux étapes-code de la route et conduite-permet de certifier l’aptitude technique des candidats.
Selon la direction régionale des transports routiers de Kara, plus de 4000 candidatures sont enregistrés chaque année pour le jury du Grand Nord. Cependant, face à des urgences telles que des opportunités d’emploi ou de voyage, certains candidats privilégient des raccourcis pour obtenir ce document essentiel, souvent moyennant finances.
Badjalim Beaugard, jeune diplômé, témoigne : « Après avoir consulté plusieurs offres d’emplois, j’ai réalisé que le permis de conduire était indispensable. Cela m’a poussé à m’inscrire en urgence »
Un commerce clandestin prospère
A Kara, obtenir un permis de conduire via des « arrangements » est un secret de Polichinelle. En visitant plusieurs auto-écoles, nous avons recueilli des témoignages édifiants. Clémence (nom d’emprunt), une jeune femme en quête d’un emploi, raconte son expérience. Après un entretien avec un moniteur, elle confie : « On m’a proposé de passer l’examen en moins de deux semaines moyennant 90 000 FCFA. »
De son côté, Abderman Razak, venu aider une proche illettrée à obtenir un permis, révèle : « Le responsable a promis de nous faciliter les choses pour 150 000 FCFA, dont 70 000 FCFA pour les ‘affaires’. »

Les montants et pratiques varient selon les interlocuteurs, mais la mécanique reste la même : contre de l’argent, certains responsables d’auto-écoles garantissent un permis, quelles que soient les compétences du candidat.
Une pratique généralisée et ancrée
Plusieurs interlocuteurs reconnaissent l’existence de ces pratiques. Idrissou Alfa, ancien chauffeur, déplore : « Aujourd’hui, le permis s’achète. Il suffit d’avoir de l’argent pour obtenir le précieux document. »
Selon un moniteur d’auto-école ayant requis l’anonymat, la concurrence féroce entre établissements alimente ce fléau. Il confie ; « Certains responsables privilégient le gain facile au détriment de la formation réelle. Cela compromet la fiabilité des permis délivrés. »
D’après un sondage réalisé auprès d’une trentaine de personnes, la majorité est consciente de ces dérives, et près de la moitié avoue avoir négocié leur formation.
Une menace pour la sécurité routière
Les conséquences de ces pratiques se répercutent sur la sécurité routière. Selon les données officielles de 2023, le Togo a enregistré 3262 accidents en six mois, causant 282 morts et 4611 blessés. Parmi les facteurs identifiés : le défaut de maîtrise, l’excès de vitesse et le non-respect des règles de conduite.
M. Hountondji Komlan, coordonnateur national de l’Union des transporteurs routiers du Togo, pointe du doigt la corruption dans l’attribution des permis comme un cause aggravante. « Ce favoritisme dégrade l’image des permis délivrés dans la région et compromet leur authenticité. »
Les auto-écoles non agréées, implantées anarchiquement, accentuent également le problème. « Beaucoup de conducteurs incompétents se retrouvent sur les routes, mettant en danger la vie des usagers », alerte-t-il.
Vers une réforme nécessaire
Face à cette situation alarmante, des initiatives pour assainir le secteur sont en cours. M. Biyao Wakilou, président du Centre Action Sociale et Juridique (CASJ) Kara, prône la digitalisation complète du système d’obtention des permis.
« La transparence est essentielle. Seuls ceux qui respectent le circuit normal doivent obtenir permis. Cela permettra de garantir des conducteurs compétents et de sauver des vies », affirme-t-il.
Le directeur régional des transports routier de Kara, Tchokossi Badawasso, souligne également l’importance de former davantage de conducteurs pour une maitrise réelle du code de la route. « Des réflexions sont menées pour enrôler un plus grand nombre de candidats dans des formations rigoureuses », rassure-t-il.
Une lutte impérative contre les dérives
Si des candidats réussissent encore l’examen sans tricher, le système souffre néanmoins de graves défaillances. La lutte contre le favoritisme et la corruption dans l’attribution des permis de conduire est une urgence pour garantir la sécurité routière et redonner crédibilité à ce document indispensable.
Honoré Boulissatom