Détention Préventive et Présomption d’Innocence : Une Relation Complexe au Cœur de la Justice Togolaise
Dans le cadre d’un atelier de renforcement des capacités des acteurs de la chaîne pénale sur l’usage de la détention préventive, organisé par la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), le 2ᵉ Substitut du procureur près le Tribunal de grande instance de Lomé, Tudiza Kouma Edem, a éclairé les distinctions entre la détention préventive et la présomption d’innocence, deux concepts essentiels mais souvent confondus.

Une Mesure Exceptionnelle Qui Porte Atteinte à un Droit Fondamental
Selon le président de la CNDH, Me Sanvee Ohini Lionel, la détention préventive consiste à priver une personne de sa liberté avant qu’elle ne soit jugée. Une telle mesure, bien que légale, est grave puisqu’elle remet en question la présomption d’innocence, un principe reconnu universellement.
Le magistrat Tudiza a illustré cette notion par des cas concrets. Lorsqu’un suspect est arrêté par une unité de police judiciaire, il est présenté au parquet pour être interrogé. Si le suspect avoue les faits qui lui sont reprochés, le procureur peut émettre un mandat de dépôt l’envoyant en prison. Dans d’autres cas, il peut être confié à un juge d’instruction pour une enquête approfondie. Dans ces deux situations, l’individu est placé en détention préventive mais reste juridiquement présumé innocent tant qu’aucune condamnation n’est prononcée.
Les Raisons Justifiant la Détention Préventive
La détention préventive, selon le magistrat, répond à des nécessités d’enquête. Durant la garde à vue, des interrogations et vérifications préliminaires sont menées. Cependant, une fois l’affaire confiée au parquet ou au juge d’instruction, d’autres investigations peuvent être requises, surtout lorsque le suspect nie les faits.
Dans les affaires criminelles, la loi exige l’ouverture d’une information judiciaire. Ce processus, comprenant des actes obligatoires à accomplir, explique la durée prolongée de certaines détentions préventives.
Durée et Cadre Légal de la Détention Préventive
Le code de procédure pénale prévoit des délais spécifiques pour limiter les abus. Pour des infractions dont la peine maximale est de deux ans et si le prévenu est domicilié au Togo, son dossier ne peut excéder 10 jours chez le juge d’instruction après son inculpation. Pour d’autres délits, une fois que la moitié de la peine maximale est atteinte en détention préventive, le juge doit statuer sur la libération du détenu.
Une Mesure aux Objectifs Précis mais Encadrés
Le président de la CNDH souligne que bien que difficile à justifier pleinement, la détention préventive est parfois nécessaire pour protéger le suspect lui-même, préserver l’intégrité de l’enquête ou prévenir d’autres infractions. Toutefois, il rappelle que cette mesure est exceptionnelle, le principe restant la liberté.
Les Droits du Prévenu : Un Équilibre à Maintenir
En tant que présumé innocent, le prévenu a le droit de demander une mise en liberté provisoire au juge d’instruction. Celui-ci, après consultation du parquet, peut l’accorder ou la refuser. En cas de refus, un recours est possible devant la chambre d’instruction de la Cour d’appel.
Une Justice Respectueuse de la Présomption d’Innocence
Pour Tudiza Kouma Edem, le respect de la présomption d’innocence doit guider tous les acteurs de la chaîne pénale, du policier au juge. « Chaque suspect ou détenu préventif doit être traité comme s’il n’avait aucune responsabilité dans les faits reprochés jusqu’à ce que la justice tranche », a-t-il conclu.
Ainsi, si la détention préventive et la présomption d’innocence peuvent sembler antagonistes, leur articulation révèle les défis constants d’un système pénal en quête d’équilibre entre justice et droits fondamentaux.