Souveraineté alimentaire dans l’UEMOA : l’agro-industrie au cœur des stratégies de résilience
Réunis à Lomé le vendredi 13 juin 2025 à l’occasion de la première édition des « BOAD Development Days », des experts de haut niveau ont longuement débattu des défis structurels entravant l’atteinte de la souveraineté alimentaire dans l’espace UEMOA. Le panel, placé sous le thème « L’agro-industrie, levier de la souveraineté alimentaire dans l’UEMOA », a mis en exergue les nombreuses failles des politiques agricoles actuelles et proposé des pistes de solutions durables.
Le Dr Issoufou Baoua, coordonnateur régional du Programme d’appui à la sécurité alimentaire et nutritionnelle du CILSS (Comité permanent Inter-États de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel), a ouvert les échanges en posant une interrogation centrale : « Comment nourrir, à l’horizon 2050, près de 800 millions d’habitants issus des 15 pays de la CEDEAO-UEMOA-CILSS, ainsi que du Tchad et de la Mauritanie ? »
La production actuelle, évaluée à 70 millions de tonnes de céréales pour l’ensemble de cette région, reste notoirement insuffisante, justifiant ainsi une dépendance accrue vis-à-vis des importations. Le Dr Baoua a également insisté sur la nécessité de réinventer les politiques agricoles face aux effets du dérèglement climatique, appelant à transformer cette menace en opportunité de modernisation.
Les intervenants ont identifié plusieurs verrous à lever pour atteindre une souveraineté alimentaire effective : l’accès aux semences certifiées, aux engrais, aux intrants agricoles, mais aussi aux infrastructures rurales, au financement, à la mécanisation, à la transformation et au stockage. Le foncier agricole demeure également une problématique transversale.
Selon Amadou Mbodj, directeur de l’Agriculture à la Commission de l’UEMOA, la souveraineté alimentaire repose sur trois piliers majeurs : nourrir durablement la population, accroître la productivité agricole et améliorer les conditions de vie en milieu rural. Ces objectifs, inscrits dans la politique agricole commune de l’UEMOA adoptée dès 2001, peinent encore à se concrétiser.
Une autre préoccupation majeure demeure l’explosion des importations alimentaires. « Sur les cinq dernières années, les pays de l’UEMOA ont importé en moyenne pour 3 000 milliards de francs CFA par an, notamment en riz, lait, viande et blé », a rappelé M. Mbodj. Si le Bénin et le Niger enregistrent quelques avancées, la tendance reste alarmante dans la majorité des États membres. « Nous importons près de 50 % de notre riz, et jusqu’à 90 % du blé que nous consommons. Pour le lait et d’autres denrées, la production locale est presque marginale », a-t-il déploré.
Pour inverser la tendance, les spécialistes appellent à une réforme en profondeur des politiques agricoles, adossée à un financement structurant de l’agriculture et au développement d’une agro-industrie intégrée, articulée autour des chaînes de valeur.
Le panel a réuni des voix reconnues du secteur :
- Dr Issoufou Baoua (CILSS)
- Cheikh Mouhamady, président d’honneur du ROPPA
- Bernard Comoe, haut responsable du ministère de l’Agriculture de Côte d’Ivoire
- Dr Oscar Teka, universitaire béninois
- Mme Zenab Cissé, Business Development Lead à ARC Ltd
- Et Amadou Mbodj, de la Commission de l’UEMOA.
En somme, ce panel a posé les bases d’un dialogue stratégique crucial pour transformer le potentiel agricole de l’espace UEMOA en un véritable pilier de souveraineté alimentaire et de résilience face aux chocs exogènes.
Cécile DOLEME