Lomé : le GIABA plaide auprès des parlementaires de la CEDEAO pour un financement durable contre la criminalité financière

À Lomé, le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) a poursuivi son plaidoyer en faveur d’un financement pérenne de ses activités, fragilisé par les retards de contributions des États membres. Après une rencontre avec le Comité de l’Administration et des Finances (CAF) en début de semaine, l’institution a réuni, ce jeudi, les parlementaires de la CEDEAO pour un séminaire de deux jours consacré à la lutte contre la criminalité financière et au renforcement de la transparence budgétaire dans la sous-région.

La cérémonie d’ouverture, tenue à l’hôtel 2 Février, a été présidée par Akou Mawussé A. Adetou Afidenyigba, directrice de cabinet du ministre togolais de l’Économie et des Finances, représentant son ministre de tutelle. Elle a rappelé que la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme constitue « une priorité nationale et régionale » inscrite dans la vision du président Faure Gnassingbé, soulignant que les commissions parlementaires, par leur rôle de contrôle budgétaire, « constituent un rempart puissant contre les abus et pratiques illicites ».

Le directeur général du GIABA, Edwin W. Harris Jr., a livré un diagnostic préoccupant : l’Afrique perd chaque année plus de 88,6 milliards de dollars, soit 3,7 % de son PIB, en raison des flux financiers illicites et de la corruption. « Ces chiffres représentent des hôpitaux sans équipement, des écoles inachevées, des infrastructures jamais réalisées », a-t-il insisté, avant de qualifier la supervision parlementaire « d’impératif de sécurité nationale » et non d’une simple formalité.

Le séminaire entend ainsi renforcer les capacités des commissions parlementaires des finances et du contrôle budgétaire, afin qu’elles puissent analyser efficacement les rapports d’audit, détecter les signaux d’alerte et assurer un suivi rigoureux des recommandations. Les discussions portent notamment sur la dotation d’outils performants aux parlements, l’adoption de réformes favorisant la transparence budgétaire et la mise en place d’une synergie durable entre institutions, gouvernements, organes de contrôle et société civile.

Mais derrière ce programme se cache une urgence budgétaire : le GIABA, qui vient d’achever son deuxième cycle d’évaluations mutuelles, s’apprête à lancer en 2026 un troisième cycle plus exigeant, alors même que ses ressources s’amenuisent. « Sans financement pérenne, l’institution verrait ses programmes d’assistance et de suivi considérablement réduits », a averti M. Harris.

Le contexte régional accentue les inquiétudes. Si le Sénégal a quitté la liste grise du GAFI en 2024, la Côte d’Ivoire y a récemment été inscrite, signe des fragilités persistantes. De plus, le retrait annoncé du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO soulève des incertitudes quant à leur participation au mécanisme régional de lutte anti-blanchiment.

Le rapport annuel 2024 du GIABA met en garde contre des menaces de plus en plus sophistiquées : infiltration des économies par les flux issus du secteur extractif, financement du terrorisme au Sahel, cyberfraudes liées aux actifs virtuels, et exploitation de secteurs non financiers comme l’immobilier, le change ou certaines professions libérales.

Pour le Togo, pays hôte, la rencontre a aussi été l’occasion de mettre en avant ses avancées : évaluation nationale des risques, adoption d’une stratégie nationale LBC/FT avec plan d’action pluriannuel, renforcement de la CENTIF et évaluations sectorielles. « Au-delà des textes, la lutte contre la criminalité financière exige un engagement fort et visible des plus hautes autorités », a affirmé M. Tchaa Bignossi Aquiteme, président de la CENTIF-Togo.

Les travaux doivent s’achever par l’adoption d’un communiqué conjoint, assorti de recommandations prioritaires et d’engagements de suivi. Mais le message reste clair : sans volonté politique partagée et sans financement durable, la CEDEAO risque d’affaiblir l’un de ses principaux instruments de lutte contre les crimes économiques et financiers.

Ing Ilyame OURO-LOWAN

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